Marguerite-Bourgeoisest née à Troyes, en Champagne, en France, le 17 avril 1620.
Fille de Abraham Bourgeoys et de Guillemette Garnier,
elle fut la sixième d'une famille de douze enfants.
Son milieu familial était chrétien et de bonne bourgeoisie.
Elle avait 19 ans à la mort de sa mère.
Le 7 octobre 1640, pendant une procession en l'honneur de Notre-Dame du Rosaire,
une grâce de Dieu l'invite à un engagement plus profond;
elle désigne ce moment comme celui de "sa conversion".
Elle devient alors membre d'une congrégation externe qui regroupait des jeunes filles
pour la prière et l'enseignement des milieux pauvres.
Dans l'espoir de réaliser cet objectif, ils entreprirent de s'établir dans l'île de Montréal,
dans la colonie appelée Nouvelle-France.
L'établissement devait incarner l'idéal chrétien décrit dans les Actes des Apôtres
de manière à attirer les Amérindiens, tout comme les premières communautés de chrétiens
du monde méditerranéen avaient attiré leurs adeptes, au début de l'Église.
La directrice de cette association était alors la soeur de Maisonneuve,
fondateur de Ville-Marie en 1642.
Lors de son voyage en France, en 1653, Sieur de Maisonneuve visite sa soeur
et lui parle du besoin d'une institutrice laïque pour instruire les enfants des colons et des Indiens.
On lui présente Marguerite Bourgeois qui accepte de l'accompagner en Nouvelle-France.
L'arrivée de Marguerite Bourgeoys, onze ans après la fondation de Ville-Marie,
réalisait une partie du dessein initial qui prévoyait l'éducation des enfants de la colonie.
Elle accompagnait «la recrue des cent hommes» sur laquelle on comptait pour sauver Ville-Marie qui,
en 1653, faisait face à une terrible alternative :
l'abandon du nouveau poste ou l'extinction de ses habitants.
La traversée dura trois mois ; le voilier était misérable et la peste éclata à bord,
si bien que Marguerite devint infirmière.
Pendant la traversée qui l'amenait de la France vers le Canada,
elle a soigné les malades et réconforté les mourants.
C'est alors que ses compagnons de voyage, les futurs colons, commencèrent à l'appeler «soeur».
Depuis ce moment et jusqu'à sa mort, le 12 janvier 1700,
elle s'est entièrement consacrée au bien-être de la population de Montréal.
A son arrivée elle s'occupe de la maison du gouverneur et aide Jeanne Mance.
Avec ces hommes et ces femmes, elle partageait les dangers et les privations comme les efforts
et les espoirs qui rythmaient leur vie dans la colonie naissante.
Comme eux, elle était vulnérable aux menaces qui l'entouraient, attaques ennemies ou maladies,
ainsi qu'à l'incompréhension des autorités de l'Église et de l'État, parfois hostiles ou incompétentes.
Avec constance, elle évitait ou refusait, autant que possible,
tout honneur ou privilège qui l'aurait élevée
au-dessus de la condition des gens ordinaires du Canada, de ces hommes et de ces femmes qui,
dans la pauvreté, luttaient avec courage pour bâtir, dans ce Nouveau Monde,
une vie meilleure pour eux-mêmes et pour leurs familles.
En 1658, Sieur de Maisonneuve lui cède l'étable de pierres de la Commune.
Elle la nettoie pour en faire une école. Lors de ses voyages,
elle se voit confier des jeunes filles destinées
à fonder des familles pour le peuplement de la colonie.
En 1659, elle ramène 32 filles du Roi.
Elle ira en "quérir" d'autres à l'arrivée des navires de France.
Elle les accueille chez elle, les prépare à la vie qui les attend dans ce nouveau territoire,
les garde jusqu'à leur mariage.
On découvre aujourd'hui avec émotion sa signature au bas de certains contrats de mariage de l'époque,
passés "au parloir de la Congrégation".
Elle achète même une autre maison, en 1663, afin de loger ces femmes.
Rien d'étonnant à ce qu'on l'ait appelée " la Mère de la colonie ".
Elle réalisa la tâche pour laquelle elle était venue à Montréal
en y ouvrant au printemps de 1658 la première école, dans une étable abandonnée.
Pour assurer la permanence et la stabilité de l'oeuvre d'éducation des enfants
et des femmes de la Nouvelle-France,
elle a fondé une communauté de femmes non cloîtrées.
Même si les approbations civile et ecclésiastique ne devaient venir que dans un avenir éloigné,
cette communauté a effectivement existé dès le 2 juillet 1659,
au moment où Marguerite ramenait avec elle ses premières compagnes,
sur le bateau transportant la dernière des grandes recrues de la Société de Notre-Dame de Montréal.
Comme plusieurs des autres dirigeants et dirigeantes des débuts de Montréal,
Marguerite Bourgeoys venait d'une région de France où les femmes avaient des rôles importants,
sur le plan social, au moins depuis le Moyen Âge.
En s'engageant dans l'aventure de Montréal, elle devenait partie prenante d'une entreprise
où les femmes jouaient des rôles décisifs, autant à l'arrière-plan, en France,
que dans l'organisation de la colonie naissante.
Mais les relations de Marguerite Bourgeoys ne se limitaient pas aux personnages importants de Montréal,
dont l'histoire nous a transmis les noms.
Elle était convaincue de l'importance des femmes ordinaires de la colonie: entre leurs mains,
entre les mains des futures épouses et mères, reposait l'avenir du Canada.
Les paroles de Marguerite, tout comme les oeuvres qu'elle a entreprises pendant sa vie,
révèlent qu'elle croyait possible de transformer les personnes et, par conséquent, la société,
si on parvenait à les rendre capables de «comprendre»,
ce qui est certainement l'objectif de toute éducation véritable.
L'éducation que Marguerite Bourgeoys et ses compagnes dispensaient
aux enfants (garçons et filles au début)
ainsi qu'aux femmes de la Nouvelle-France était d'abord l'éducation de la foi,
jaillissant d'une source religieuse profonde.
La foi qui s'exprime dans la vie de Marguerite, comme dans les écrits qui nous ont été transmis,
demeure au coeur de tout son enseignement.
On y retrouve l'importance fondamentale du double commandement de l'amour,
qui est au centre de l'Ancien et du Nouveau Testaments:
«Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit,
et tu aimeras ton prochain comme toi-même».
Cependant, aux yeux de Marguerite, l'école devait avoir un rayonnement
sur toute la vie de l'individu et sur la société toute entière.
Ses fonctions allaient donc bien au-delà de la transmission des valeurs religieuses.
Ses premiers et premières élèves n'étaient ni les riches ni les puissants,
mais bien les enfants des colons qui édifiaient Montréal, des enfants qui, très tôt,
devraient faire face à un double défi : gagner leur vie et celle de leurs familles et bâtir un pays neuf.
Pour les préparer à cette tâche,
elle mettait l'accent non seulement sur l'importance d'un «travail honorable»,
mais sur la valeur et l'importance de leurs efforts.
Son action éducative ne se limitait pas à l'enseignement dans les classes.
Elle accueillait les jeunes immigrantes qui venaient en Nouvelle-France
dans le but d'épouser des colons, allant même jusqu'à offrir un foyer à ces jeunes femmes,
où elle vécut avec elles pour les aider à s'adapter à leur nouveau pays
et les préparer aux situations qui les attendaient.
Elle mit aussi sur pied un ouvroir, sorte d'atelier où les jeunes femmes pauvres
pouvaient acquérir des habiletés manuelles qui leur permettraient de gagner leur vie.
Les relations étroites que ses compagnes et elle avaient établies avec les habitants de la nouvelle colonie,
aussi bien que sa capacité particulière à percevoir les besoins autour d'elle et à y répondre,
avaient rendu possible une forme d'éducation vraiment adaptée à la vie des personnes à qui elle était offerte.
Même si elle a vécu la plus grande partie de sa vie dans un pays
que ses contemporains européens considéraient aux limites du monde,
elle était par ailleurs au centre de l'important développement que vivait l'Église catholique romaine
de son temps et qui préparait l'établissement d'une forme différente de vie
consacrée pour des femmes regroupées en communauté.
Jusqu'au XVIIe siècle, et même bien au-delà, dans l'esprit de plusieurs autorités ecclésiastiques,
les femmes qui vivaient en communauté
et se consacraient au service de l'Église étaient nécessairement cloîtrées ;
il leur était défendu de sortir de leurs couvents
et elles ne pouvaient admettre la présence de personnes de l'extérieur
que dans une partie désignée de leurs couvents.
La sécurité matérielle de ces communautés reposait sur l'établissement de fondations et sur l'exigence de dots,
ce qui les empêchait de recevoir des femmes pauvres,
sauf si celles-ci recevaient le soutien d'un bienfaiteur ou d'une bienfaitrice.
Marguerite parviendra à fonder l'une des premières communautés religieuses
de femmes non cloîtrées de l'Église catholique,
une communauté qui subvenait à ses propres besoins, une communauté qui,
contrairement à la plupart de celles qui ont surgi en France à la même époque, a survécu jusqu'à ce jour.
Cette communauté doit son caractère distinctif et sa survie au rôle qu'elle a joué
dans ce qu'il est convenu d'appeler la période héroïque de l'histoire de Montréal.
La source d'inspiration de Marguerite, dans la fondation d'une telle communauté, était Marie, mère de Jésus,
qu'elle considérait comme la première et la plus fervente des disciples du Seigneur,
enseignant et faisant le bien dans la primitive Église.
L'identification de Marguerite à ce modèle se développe au rythme de sa propre expérience
dans «l'Église primitive» des premières années de Montréal.
Si on avait demandé à Marguerite de choisir elle-même une période de sa vie
qu'elle aurait pu qualifier de «dorée»,
il est fort probable, d'après ses écrits, qu'elle aurait choisi les années qui s'échelonnent entre 1653,
date de son arrivée à Montréal, et 1665, qui marque la fin d'une époque dans le développement de Montréal,
avec le départ de Paul de Chomedey de Maisonneuve et l'arrivée du régiment de Carignan.
Ce furent des années de lutte, de danger, de privation et d'épreuve ;
ce furent aussi des années d'espoir, d'amitié et de rêves partagés.
Au cours de ces années, Marguerite connaissait alors chaque colon et chaque femme de Montréal,
dont plusieurs intimement, et elle occupait une place dans leur vie comme ils en occupaient une dans la sienne.
La vie de Marguerite Bourgeoys ne se termine pas avec le départ de Maisonneuve.
Elle obtiendra la reconnaissance, d'abord civile, puis ecclésiastique
de l'une des premières communautés féminines non cloîtrées de l'Église catholique romaine.
De son vivant, sa communauté comprendra non seulement des Françaises,
mais aussi des Nord-Américaines d'ascendance française, amérindienne et même anglaise.
Leur action éducative s'étendra au-delà de Montréal, jusqu'à Québec
et aux petits villages qui s'implantaient le long du Saint-Laurent.
Si la vie de Marguerite Bourgeoys permet de mieux saisir le passé, elle ouvre aussi des horizons vers l'avenir.
Elle fut une pionnière, une femme d'action s'efforçant de bâtir une Église et une société meilleures,
dans un monde où ces deux structures n'étaient pas vraiment séparées,
dans un monde où elle s'est préoccupée du bien-être des femmes et des enfants,
dans un monde qui deviendrait meilleur, croyait-elle,
dans la mesure où les gens apprendraient à se comprendre les uns les autres.
Après avoir offert sa vie pour sauver une soeur plus jeune,
après quarante-sept ans de travaux bénis du Ciel et de la Sainte Vierge,
Marguerite Bourgeois s'éteint à quatre-vingts ans, avec la réputation d'une âme éminente en sainteté.
Le 12 novembre 1950, dans une cérémonie solennelle à Saint-Pierre de Rome, Pie XII la déclarait bienheureuse.
Depuis cette date, elle a reçu les honneurs de la canonisation.