L'intrépide
1641
Population de la Nouvelle-France: environ 300
Population de la Nouvelle-Angleterre: 50,000
Paul de Chomedey est né dans la noblesse française.
Fils de Louis de Chomedey, seigneur de Chavane, Germenoy-en-Brie et de d'autres lieux,
il fut baptisé dans sa province natale de Champagne le 15 février 1612.
Il grandit dans le manoir familial à Neuville-sur-Vannes, tout près du fief de Maisonneuve.
Il commença une carrière militaire très jeune, comme c'était souvent le cas à l'époque.
On connaît très peu de choses de sa carrière militaire.
On sait toutefois qu'il était un homme très pieux et qu'il aspirait à servir Dieu dans des pays étrangers.
C'est ce qui l'amena à rencontrer le père Charles Lalemant qui revenait tout juste de Nouvelle-France.
Le projet de la Société Notre-Dame de Montréal
Lalemant parla de Maisonneuve à Jérôme Le Royer de La Dauversière.
Ce dernier cherchait quelqu'un pour prendre la tête d'une grande entreprise.
En effet, un groupe de gentilshommes s'était réuni quelques années auparavant
pour fonder la Société Notre-Dame de Montréal.
Leur projet était de fonder une ville missionnaire à l'intérieur des terres du Canada.
À cet effet, la Société avait fait l'acquisition de l'île de Montréal.
Ils rêvaient de fonder une cité chrétienne au coeur de ce pays sauvage, ce qui selon eux,
aiderait les pères missionnaires dans leur projet d'évangélisation des Amérindiens.
Après
avoir rencontrer Paul de Chomedey, La Dauversière fut convaincu que c'était là
l'homme qu'il cherchait et il décida de lui confier la direction de son projet
de fondation outre-mer. Monsieur de Maisonneuve reçu des pouvoirs équivalents,
en France, à ceux des directeurs de la Société. Celle-ci se chargerait de
recruter, de financer et d'assister la nouvelle colonie.
Jeanne Mance
Le
9 mai 1641, deux navires quittèrent le port de La Rochelle pour la
Nouvelle-France, emportant avec eux une bonne partie des premiers
Montréalistes. Dans un des navires était Monsieur de Maisonneuve,
accompagné de 25 hommes et d'un prêtre. Dans le second vaisseau se
trouvaient Jeanne Mance (une infirmière qui joua un rôle aussi
important que celui de Maisonneuve dans la survie de la colonie), un père
Jésuite et 12 hommes. Trois autres femmes étaient également du
voyage, deux étaient les épouses de colons qui refusaient de quitter
leurs maris, et la troisième jeune fille s'était embarquée de force
sur le navire, résolue de «servir Dieu en la personne des pauvres
Indiens». Dix hommes supplémentaires avaient quitté le port de
Dieppe quelques semaines auparavant.
Le navire de Jeanne Mance atteint Québec trois mois plus tard, sans graves problèmes.
Maisonneuve ne fut pas aussi chanceux et rencontra de violentes tempêtes. Il
arriva si tard que la fondation de Montréal fut remise à l'année suivante.
Les futurs Montréalistes passèrent l'hiver à Québec. Pendant cette période,
le gouverneur de la Nouvelle-France, Huault de Montmagny, ainsi que les notables
de la ville de Québec, tentèrent de convaincre Maisonneuve que son entreprise
était de la pure folie. Ils lui offrirent l'île d'Orléans en échange de l'île
de Montréal, expliquant qu'ils seraient ainsi en mesure de protéger le nouvel
établissement. Maisonneuve rétorqua que son honneur était en jeu et que la
colonie serait établie à Montréal «même si tous les arbres de l'île
devaient se changer en autant d'Iroquois !»
La fondation de Montréal
Le 17 mai 1642, le gouverneur donna officiellement possession de l'île de
Montréal à Maisonneuve, au nom des gentilshommes de la Société de
Montréal. Une messe fut célébrée sur l'île par le père Vimont et,
immédiatement après, les hommes se mirent au travail. Ils
construisirent d'abord une redoute et une palissade pour se protéger de
l'ennemi. Maisonneuve insista pour abattre le premier arbre lui-même.
La première haute messe fut célébrée le dimanche 18 mai, et pendant
celle-ci le père Vimont fit une adresse pendant laquelle il prédit la
future grandeur de la ville qui venait de naître.
Le premier baptême eut lieu en juillet. Un petit groupe d'Algonquins de passage
sur l'île, s'arrêta pour faire baptiser un jeune garçon. Maisonneuve et
Jeanne Mance, parrain et marraine, choisirent de le nommer Joseph. Les
aspirations religieuses des fondateurs semblaient porter fruit.
Au mois d'août, les Montréalistes furent heureux de recevoir la visite de bateaux qui
leur apportaient 12 nouveaux colons, des provisions, des ornements sacrés, des
munitions et d'excellentes nouvelles : en France, la Société recrutait de plus
en plus de membres. Environ 35 personnes s'étaient réunies dans l'enceinte de
Notre-Dame de Paris pour bénir l'île de Montréal et la mettre sous la
protection spéciale de la vierge Marie. D'ailleurs, à cette époque, c'est l'île
qui portait le nom de Montréal, l'établissement était connu sous le nom de
Ville-Marie.
La croix du mont Royal
Mais le petit établissement fut bientôt en grand danger. Les eaux du fleuve
Saint-Laurent se gonflèrent et la menace d'une inondation devint de plus en
plus présente. Maisonneuve promis que, si les eaux se retiraient sans causer de
dommages, il porterait une croix sur ses épaules et irait la planter sur le
Mont Royal. Comme de fait, le niveau du fleuve baissa et Maisonneuve tint sa
promesse. Voilà l'origine de cette croix qui domine le sommet du Mont Royal.
Les Iroquois !
Les Iroquois, étrangement absents pendant les premiers temps, découvrirent
l'existence de l'établissement plus tard et firent leur apparition à
l'été de 1643. À partir de ce moment, ils harcelèrent les Montréalistes
sans relâche, capturant, torturant et tuant bon nombre d'entre eux dans
des embuscades. Une vie difficile et périlleuse commença pour les
habitants et devait durer un quart de siècle. Chaque matin, ils se préparaient
à une mort possible en recevant l'Eucharistie.
Les Montréalistes formaient alors une petite communauté très chrétienne
et fraternelle. Les bâtiments de Ville-Marie consistaient en un fort
pour la défense, un hôpital pour les malades (sous la direction de
Jeanne Mance), une grande maison capable de loger 70 habitants qui
vivaient ainsi en commune et une chapelle nommée Notre-Dame.
Le 30 mars 1644, les chiens de garde entraînés à détecter l'approche
des Iroquois, se mirent à hurler en direction des bois. Les Français,
qui en avaient assez de se cacher, demandèrent à Maisonneuve de
prendre l'initiative d'une attaque. Celui-ci prit donc la tête d'un
petit groupe de 30 hommes et fit une sortie. Ils se retrouvèrent entourés
par environ 200 Iroquois et une bataille bien inégale s'engagea. Les
Français se battirent courageusement, mais lorsque la poudre vint à
leur manquer, ils se réfugièrent dans le fort, laissant Maisonneuve
derrière eux. Il fut attaqué par un des chefs Iroquois et un violent
corps à corps s'engagea entre les deux hommes. L'Iroquois tenta d'égorger
Maisonneuve mais celui-ci ouvrit le feu sur l'Indien à bout portant et
l'agresseur tomba, raide mort. Les guerriers iroquois cessèrent
l'attaque, prirent leur chef sur leurs épaules et battirent en
retraite. Maisonneuve rentra au fort en héros.
À l'automne de 1645, ayant appris la mort de son père, Maisonneuve quitta pour la
France, laissant Louis d'Ailleboust en charge de Ville-Marie. D'autres affaires
le retinrent en France plus longtemps que prévu. Pendant ce temps, Montmagny
fut rappelé en France et on offrit le poste de gouverneur de la colonie à
Maisonneuve. Celui-ci refusa et suggéra plutôt son ami d'Ailleboust. À son
retour de France, à l'été de 1647, il annonça à d'Ailleboust qu'il devait
se rendre à Paris pour être nommé nouveau gouverneur. Maisonneuve, quant à
lui, retourna à sa besogne, assignant des terres aux nouveaux colons, sans
jamais en garder un seul hectare pour lui.
Quand ça va mal…
En 1649, les nouvelles furent très mauvaises. La Société de Montréal en France allait
au plus mal, M. de La Dauversière était affligé d'une terrible maladie et
tout portait à croire que l'aventure de Montréal serait bientôt vouée à l'échec.
Comble de malheur, on apprit bientôt que la Huronie avait été mise à feu et
à sang par les Iroquois. Des petites bandes de survivants Hurons arrivaient à
tous les jours à Ville-Marie pour y trouver refuge. Or, tous savaient qu'une
fois les Hurons éliminés, les Iroquois dirigeraient leur furie sur les Montréalistes.
Les attaques et les massacres devinrent effectivement de plus en plus fréquents
et il ne se passait pas un mois sans que la liste des malheureuses victimes ne
s'allongea de plusieurs noms.
Une visite de Jeanne Mance en France et la guérison de La Dauversière permirent de sauver
la Société de Montréal. Mais au printemps de 1651, les attaques iroquoises
devinrent si constantes que tous les Montréalistes durent se réfugier dans le
fort. Nul n'osait plus s'aventurer à plus de quatre pas du bâtiment sans être
armé jusqu'aux dents. Voyant mourir un à un les colons qui étaient sous sa
protection, Maisonneuve repartit pour la France dans le but de recruter des
renforts. Il remit d'Ailleboust en charge de Ville-Marie en lui disant : «Je
tenterai de ramener 200 hommes pour défendre ce site. Si je n'en ai pas au
moins 100, je ne reviendrai pas et tout devra être abandonné car cette place
est vraiment devenue intenable.»
Pendant qu'à Ville-Marie, Lambert Closse, ses soldats et les colons résistaient héroïquement
aux assauts incessants de leurs agresseurs, Maisonneuve et La Dauversière
mirent tout en oeuvre pour mettre sur pied une bonne troupe de défenseurs en
France. Maisonneuve s'embarqua finalement au printemps de 1653 avec 120
combattants-colons. La traversée fut des plus pénibles et plusieurs tombèrent
malades. Ils furent hospitalisés à Québec pendant quelques semaines. Puis,
ces sauveurs de Ville-Marie et de la Nouvelle-France entrèrent en triomphe à
Montréal. Avec ce contingent de 1653 arriva également Marguerite Bourgeoys,
recrutée par Maisonneuve, qui deviendrait enseignante pour les jeunes Indiennes
de Ville-Marie.
Enfin la paix!
Grâce à ces nouveaux défenseurs, la paix revint finalement à Ville-Marie. Les colons
quittèrent tour à tour le fort pour retourner à leurs maisons et à leurs
champs. Une paix temporaire fut signée en 1655 avec les Iroquois. Mais après
quelques années, ils reprirent leurs raids sanglants sur la petite colonie,
Maisonneuve créa, le 27 janvier 1663, la milice de la Sainte-Famille avec le
mandat de protéger la ville. Elle était composée de 139 colons divisés en 20
escouades et chacune avait à sa tête un caporal élu par la majorité. La même
année, la Compagnie des Cent-Associés (qui était jusqu'alors responsable du développement
de la Nouvelle-France) cessa d'exister et la colonie d'Amérique fut annexée au
domaine royal. Louis XIV décida de mettre un terme à la menace iroquoise et
envoya plusieurs compagnies de soldats en Nouvelle-France, dont le fameux
Régiment de Carignan-Salières.
Le Canada était enfin libéré de la menace
iroquoise. Les habitants, après des années de guerres sanglantes, purent enfin
mener une vie heureuse et normale.
En septembre 1655, une nouvelle attrista grandement la population. Maisonneuve, le
gouverneur bien-aimé, était rappelé en France indéfiniment. Le nouveau
gouverneur de la Nouvelle-France, Saffray de Mézy, n'aimait pas beaucoup
Maisonneuve et avait arrangé son rappel. Le premier gouverneur de Montréal
quitta dans une atmosphère de tristesse et d'indignation générale, faisant
preuve d'une dignité admirable.
Il vécut ensuite à Paris, menant une vie de reclus, humble, toujours discret. La mémoire
de ce qu'il avait accompli à Ville-Marie le garda toujours serein. Il décéda
11 ans plus tard en 1676. Ses funérailles eurent lieu à l'église des Pères
de la Doctrine Chrétienne, tout près de l'abbaye de Saint-Étienne-du-Mont, et
c'est également là qu'il fut mis en terre. Sa statue, érigée en 1895 à la
Place d'Armes de Montréal, veille aujourd'hui sur la ville pour laquelle il
s'est tant battu.
Sans la détermination, le courage et la persévérance de Paul de
Chomedey de Maisonneuve, le petit établissement de Montréal, isolé du
reste de la colonie et du monde, se serait rapidement écroulé sous le
poids des obstacles. Au lieu de cela, au pied du Mont Royal, s'élève
aujourd'hui fièrement la métropole du Québec, une des villes les plus
dynamiques et les plus vivantes d'Amérique : Montréal!
.
.